Article de l’Avenir.net

ALEXIS GONZALEZ (3/8)

L’assistance sexuelle : le dernier tabou solidaire

31-10-2015 – Alexis Gonzalez (Belgodyssée) – L’Avenir

Les assistants sexuels vivent leur fonction sous le couvert de l’anonymat. Alexis Gonzales

La sexualité des personnes handicapées demeure ignorée au sud de notre pays. L’ASBL Aditi veut endiguer ce phénomène par la formation d’assistants sexuels.

Chaque semaine pendant deux mois, un étudiant en journalisme sélectionné pour le concours de la Belgodyssée propose un reportage sur le thème des nouvelles formes de solidarité. Découvrir le candidat de la semaine.

Implantée en flandre en 2009, l’ASBL Aditi tente de s’introduire dans le paysage francophone depuis 2014. Son rôle est de mettre en relation des personnes handicapées, leurs familles ou des institutions avec des assistants sexuels. La fonction de ces assistants est méconnue et relève d’un véritable tabou. Aditi souhaite lever cette interdiction et interpeller la société.

Un accompagnement tabou

Pour mettre fin à l’isolement et la misère sexuelle de ces individus en difficulté, Aditi fait appel à des assistants sexuels ou « accompagnateurs » sexuels. «Je préfère ce mot, car l’assistanat renvoie à un concept trop péjoratif. Les « accompagnateurs » sexuels escortent et encadrent des personnes. Leur travail ne se limite pas à un acte sexuel», explique Pascale Van Ransbeeck, collaboratrice d’Aditi pour la Wallonie-Bruxelles.

«Notre travail est souvent ignoré, méprisé. Quand on parle d’accompagnement sexuel, on voit d’abord le sexuel avant l’accompagnement, alors que c’est l’inverse, témoigne Aurore (prénom d’emprunt), une assistante sexuelle qui collabore avec Aditi depuis trois ans. Nous assumons aussi un rôle de soutient psychologique, nous parlons avec la personne de ses difficultés, nous lui apportons des réponses physiques et mentales.»

Pour l’instant, on relève 5 assistants sexuels en Belgique francophone. Officiellement, la fonction n’existe pas. L’ASBL Aditi a établi des critères fixes pour pourvoir à ce poste, comme être sain psychologiquement, exercer cette activité comme secondaire à un métier principal et montrer une motivation à toute épreuve.

Entre plaisir et don de soi

Si l’aspect sexuel semble rendre cette pratique accessible, il faut davantage de sincérité. «Pour être assistante, c’est clair, il faut aimer le sexe. Maintenant, il ne faut pas non plus chercher l’orgasme. C’est un véritable don de soi. Il faut prendre le temps d’apprendre à connaitre l’autre sans tricher», explique Aurore.

Vu de l’extérieur, le métier est vu comme une forme de prostitution. Aurore n’est pas d’accord, «L’assistanat apporte bien plus qu’une simple relation sexuel. Les prostitué(e)s n’ont pas le temps d’accompagner. Pour elles, c’est une question de rentabilité. Il ne faut pas être assistante sexuelle pour gagner de l’argent. C’est le vide juridique autour de notre fonction qui provoque l’amalgame.»

L’assistanat sexuel n’a pas fini d’être débattu. Si personne ne semble nier que la sexualité est un droit, l’inclusion des personnes handicapées dans la société passe aussi par ce droit. Des associations comme Aditi veillent à ce qu’il soit respecté et qu’il ne soit plus jamais nié.

 

Trois acteurs pour des questions fondamentales

Trois acteurs répondent aux questions fondamentales de l’assistance sexuelle en Belgique et de la sexualité des handicapés: Steven De Weirdt, chargé de la communication générale de l’ASBL Aditi / Chantal Van Ransbeeck, coordinatrice pour la Wallonie et Bruxelles d’Aditi / Delphine Bouckaert, directrice du centre de jour « La famille ».

Vidéo sexualité, handicap et assistance sexuelle from Alex González on Vimeo.

 

Le cadre juridique

Dans certains pays européens comme la Suisse (pionnière en la matière), les Pays-Bas et l’Allemagne, l’accompagnement sexuel est remboursé et reconnu. Chez nous, il n’en est rien. On le compare à de la prostitution, mais il ne constitue pas un délit en soi. Pour l’instant, la mise en place d’un service d’assistance sexuelle est juridiquement impossible sur notre territoire. La législation belge autorise «l’achat» de services sexuels et la prostitution, mais le proxénétisme et le racolage sont condamnés. Si les assistants sexuels existaient, se renseigner sur leur existence ou proposer un accompagnement de la personne handicapée vers ce service serait donc condamnable.

Les partisans de l’assistance sexuelle plaident en faveur d’une adaptation de cette loi. En  2009, la Belgique a ratifié la Convention de l’ONU relative aux droits des personnes handicapées qui réaffirme les droits dont jouissent les personnes en situation de handicap. Dans la déclaration de politique régionale wallonne de 2009-2014, le gouvernement s’est engagé à lutter contre les discriminations et à améliorer l’intégration des personnes handicapées tout en favorisant leur autonomie. Cette démarche visait à créer un centre « sexualité et handicap». Il a vu le jour en 2014 et participe à relancer chaque année le débat par le biais de colloques, interviews et reportages. C’est pour l’instant le seul geste politique qui va dans le sens d’un encadrement strict des assistants sexuels et de la sexualité des personnes handicapées.

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